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Colloque international Rawls 2021 « Héritages et usages de Rawls »

Le CEMOTEV, devenu UMI SOURCE a co-organisé, à travers un projet porté par Rima Hawi et soutenu par l'UFR des Sciences Sociales de l'UVSQ et la MSH Paris Saclay, le colloque international Héritages et usages de Rawls, théorie de la justice 50 ans après, qui s'est déroulé du 22 au 24 novembre 2021 à Saint-Quentin en Yvelines, sur le Campus Condorcet et à Paris. Le CEMOTEV organisait la journée inaugurale du 22 novembre 2021 à l'UVSQ. L'organisation de cet évènement majeur a rassemblé 200 participants et mobilisé dix structures de recherche affiliées à Sorbonne Université, Université Panthéon-Sorbonne, Université Paris 8, Université de Reims, University College London, University of California, Berkeley, ainsi que l'Institut de Recherche pour le Développement, avec la participation de l'UMI Résiliences.
 



Les résumés en ligne

Les résumés des invité.es et intervenant.es du colloque Rawls2021 sont en ligne dans la rubrique Résumés sur le site du colloque.


Le colloque Rawls 2021 : thématiques et enjeux

Fin 1971 parait l’ouvrage de John Rawls : Théorie de la justice. Initialement cet ouvrage est destiné aux étudiants de Rawls à Harvard ; plusieurs manuscrits circulent dans des séminaires internes et font l’objet de discussions et de corrections. Dès sa publication, le livre connait un succès retentissant. Il constituera finalement le livre de philosophie le plus cité et commenté du siècle.

Les raisons de ce succès sont multiples. Il tient au fait que, rompant avec la domination de la métaéthique, Rawls ose y revenir de manière frontale à une question normative, la question des conditions les plus à même de réaliser la justice dans un contexte démocratique, initiant ainsi un renouveau de la philosophie morale et politique. Il s’explique également par la rupture que le livre opère avec la philosophie normative qui dominait les sciences économiques à l’époque, à savoir l’utilitarisme. Il se mesure enfin, et peut-être surtout, à l’influence considérable qu’exerça l’ouvrage dans plusieurs disciplines : débats avec des économistes, notamment de nombreux Prix Nobel d’économie – Amartya Sen, John Harsanyi, Edmund Phelps, Kenneth Arrow – et renouveau de la philosophie morale et politique à partir des thèses rawlsiennes. C’est ainsi que Robert Nozick, qui est pourtant l’un des critiques les plus farouches des thèses redistributives de Rawls, déclare par exemple en 1974 que Théorie de la justice est « une source d’idées éblouissantes » et que « les philosophes politiques doivent désormais ou bien travailler à l’intérieur de la théorie de Rawls, ou bien expliquer pourquoi ils ne le font pas ». Au-delà d’un retour sur ces débats, l’anniversaire des cinquante ans de la publication de Théorie de la justice est aussi l’occasion de réfléchir à la place de la philosophie politique rawlsienne dans la pensée philosophique, politique et économique contemporaine, ainsi que dans les politiques publiques, à la fois en termes d’égalité, d’identité et de raison publique, entre autres thématiques contemporaines.

L’objet de ce colloque est de montrer les héritages et usages de Rawls dans ce cadre pluridisciplinaire mais aussi dans un cadre international puisque la Théorie de la justice a été traduite en 28 langues. Une place privilégiée sera accordée au monde francophone où la théorie de Rawls a eu une résonance particulière, facilitée par l'initiative de traduction de Catherine Audard et par la révision par l'auteur (avec quelques changements par rapport à la version de 1971) de la traduction française. L'œuvre de Rawls, de fait, a contribué à développer l'approche contractualiste, fondamentale dans la tradition de la philosophie politique francophone. La réception de la Théorie de la justice a conforté, dans les pays de langue française, l'ambition d'appliquer l'approche contractualiste (ou d'examiner dans un registre critique les conditions de son application) aux questions économiques et sociales importantes pour l'éthique normative.

Son universalisme et son souci exigeant de la méthodologie scientifique en philosophie morale sont à bien des égards convergents avec les aspirations qui se formulent à l'adresse de la philosophie en tant que vecteur et soutien du débat public éclairé, dépassant les "appartenances" et héritages historiquement contingents. Sa distinction du "bien" et du "juste", comme son attention à la valeur équitable de la jouissance des droits et libertés, ont des affinités, dans le cas de la France, avec les valeurs de laïcité.  
La coïncidence temporelle avec la publication en français de Justice et équité de S.-C. Kolm a favorisé des débats approfondis entre spécialistes d'économie (ou d'autres sciences sociales) et spécialistes de philosophie morale et politique dans l'aire culturelle francophone. Pour autant, la réception de l'œuvre a aussi été marquée, dans ce registre, par certains malentendus, dont certains méritent d'être mis en lumière (s'agissant par exemple de la manière d'appliquer le "principe de différence"). L'œuvre de Rawls a aussi été l'occasion d'utilisations (ou déformations?) idéologiques, tendant à relativiser l'importance du principe d'égalité au profit d'une "équité" plus souple et moins substantielle. 
Des contributions montrant la richesse des héritages et usages de Rawls sont attendues que ce soit dans les débats que la théorie a ouverts que dans les programmes de recherche que l’auteur a souvent (volontairement) laissés sans réponse. Sans prétention à l’exhaustivité, au-delà des débats évoqués au-dessus, les programmes (qui seront regroupés en session) peuvent porter sur :  
  • La distinction entre théorie idéale et théorie non idéale. Le cadré idéal de la justice comme équité peut-il être complexifié pour penser les injustices liées à l’immigration, à la race ou au genre ?
  • Les limites spatio-temporelles des circonstances de la justice : justice domestique, justice internationale, justice cosmopolitiste, justice intra-ou intergénérationnelle. La théorie de Rawls permet-elle de penser la justice à l’égard des générations futures ? A l’échelle internationale ? ou le problème de la justice climatique ? Les outils-concepts de Rawls peuvent-ils ainsi nous servir cinquante ans après dans d’autres contextes ? Ou doit-on les dépasser ?
  • Le statut des critiques de Théorie de la justice. Les nombreuses critiques adressées à Rawls, qu’elles émanent par exemple des communautariens, de libertariens ou des néo-républicains se situent-elles en dehors du cadre rawlsien ou s’y intègrent-elles en le modifiant de manière substantielle ?
  • Les engagements métaéthiques de Rawls. Quelle est l’actualité des engagements métaéthiques constructivistes et cohérentistes de Rawls ? De quelle façon ont-ils contribué au renouvellement des débats en métaéthique ?  
  • Normes, critères et pratiques de la justice distributive. : Distribuer quoi et à qui ? Quelle est la pertinence du prisme de la distribution pour penser la justice ?
  • Ethique, morale, le sens de la justice et le pluralisme des valeurs. Quelle est la pertinence de la conception rawlsienne du sens de la justice? Suffit-il à assurer la stabilité des institutions dans un contexte de pluralisme des valeurs ? La pertinence contemporaine de la conception rawlsienne du pluralisme raisonnable. Comment l’approche rawlsienne de la raison publique est-elle capable de répondre à la crise de la représentation démocratique ?
  • Philosophie politique post-rawlsienne, démocratie, raison publique et émancipation. Comment les débats ayant fait suite à la parution de Théorie de la justice ont-ils agi sur la perception des enjeux contemporains ?
  • Perspective rawlsienne des politiques publiques. Quels sont les impacts de Théorie de la justice sur les choix de politiques économiques ? Quelle réponse apporter à la crise environnementale comme à la crise sociale ?
  • Les archives de Rawls. En quoi le travail sur les archives de Rawls ou ses commentateurs permet-il de donner un nouvel éclairage sur l’œuvre et la réception de l’auteur ?
  • Rawls et l’histoire de la philosophie. Si dans Théorie de la justice, Rawls affirme inscrire sa démarche dans le cadre des théories du contrat social, quel rapport entretient-il avec la tradition philosophique et quelle pratique de l’histoire de la philosophie endosse-t-il ?